Traduit du serbe par Madeleine Stevanov
Sommaire : Sans cris / Complicté / Lui tout entier / Retour à la paix / Modèle d’amour / La chemise propre/ Personnalité / La montre / Intempérie
Les neuf nouvelles réunies dans ce recueil sont de la même veine que celle que le lecteur français découvrait dans « L’Ecole d’impiété ». Un lieu: la ville de Novi Sad en Yougoslavie. Une époque : les années 45-60.
Le thème dominant, pourtant, n’en est pas la guerre, même si son écho tout proche retentit· encore dans les mémoires. Nous sommes en période de paix : comment alors comprendre, expliquer de tels actes de violence? Est-on encore sur terrain humain ? C’est la question que chacun se posera au sortir de ces nouvelles.
Alexandre Tisma prolonge ici cette littérature immédiate et brutale qui fut celle des Américains, de Caldwell à Faulkner. L’écrivain se fait entomologiste. Sa froideur a pour fonction de nous rendre témoins à notre tour. Ses personnages sont tous issus de faits divers réels et ne doivent rien à quelque complaisant imaginaire, dont la morbidité serait alors suspecte. Non, ils sont vrais et vivent en temps de paix. Comme si la violence de la guerre avait éclaté en milliers de petits fragments individuels ayant chacun son caractère propre.
Tout l’art de Tisma consiste à démonter, avec la plus grande minutie, le mécanisme de ces actes d’étrangeté barbare, dont la subtilité, la rouerie le disputent à la brutalité qui n’en est que l’exutoire. C’est à un procès de l’homme, à un usage de l’homme pour parler comme Tisma – que nous sommes conviés. L’homme, lorsqu’il est confronté à ses passions élémentaires et irrépressibles. Il fallait un écrivain de cette impassibilité pour rendre compte de l’aspect le plus paroxystique de la nature humaine.
Un versant peu abordé, pourtant révélateur de nos instincts et de nos pulsions. De cette violence aujourd’hui sous éteignoir, mais jamais apaisée, dont on trouve quotidiennement la trace dans nos sociétés feutrées, policées, mais toujours sous-tendues par des éclats d’agressivité.