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Toute situation de conflit fortement médiatisée – surtout si elle s’inscrit dans la durée – sécrète sa rhétorique, sa terminologie, ses clichés, bref un discours qui prétend seulement la décrire, mais qui en réalité la commente, en oriente la perception, porte des jugements, et, en fin de compte, participe activement au déroulement de l’événement… Le discours sur la crise qui se déroule dans les Balkans depuis plus d’une décennie est particulièrement remarquable à cet égard. On y a vu fleurir des concepts neufs, particulièrement chargés de connotations émotionnelles, comme épuration ethnique, ingérence humanitaire, ou multiethnisme; d’autres comme nationalisme, par exemple – ont vu leurs connotations s’infléchir de manière inédite et fortement chargée d’idéologie. Ce discours a, en outre, été ponctué par des images emblématiques qui restent dans toutes les mémoires. Dans notre civilisation ultra-médiatisée, nous ne vivons la plupart des événements qu’à travers des mots et des images. Qui plus est, les mots et les images qui commentent une certaine réalité tendent de plus en plus à être reçus comme s’ils étaient cette réalité elle-même. Quel est le degré d’adéquation de ces mots et de ces images au réel dont ils prétendent être le simple reflet? En quoi les infléchissements apportés à la sémantique sont-ils révélateurs d’intentions implicites? Quelles en sont les conséquences durables sur le discours politique général? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles cet essai tente d’apporter des réponses en passant au crible le vocabulaire et la rhétorique utilisés par le discours dominant sur les événements de Yougoslavie. L’auteur présente cette analyse en s’appuyant sur des méthodes éprouvées de sa discipline, mais en les dépouillant de leur appareil technique et terminologique, pour rendre cette étude accessible au plus grand nombre.
Maurice Pergnier est linguiste et sémiologue. Agrégé, docteur d’État, professeur des universités, il a publié des livres et de nombreux articles dans différents domaines des sciences du langage, allant de la théologie linguistique pure à la sémiologie de l’art, en passant par la théorie de la traduction, l’étude de la rhétorique publicitaire et la sociolinguistique. Depuis 1991, il observe avec attention la présentation des événements de Yougoslavie par les médias, ce qui l’a, par ailleurs, amené à soutenir activement la cause d’une information honnête et pluraliste, contre la pensée uniforme et orientée.