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Traduit du serbe par Dejan M. Babic
La famille Katic, parmi de multiples personnages et avec tout le peuple du Royaume de Serbie, vit le Temps de la Mort : la Première Guerre mondiale. Des séances du Parlement auxquelles assiste Vukasin, le père, député de l’opposition, aux combats désespérés menés par le Bataillon des Etudiants dans lequel s’est engagé son fils Ivan et à l’hôpital militaire où sa fille Milena est infirmière volontaire, Tchossitch reconstitue, tantôt à grands traits violents, tantôt avec une minutie quasi obsessionnelle, toute la fresque du conflit qui allait ébranler l’Europe.
Destins politiques et familiaux, destins individuels et nationaux, joie et souffrance, amour et haine, beauté de la nature et hideur de la guerre, tout se mêle sur fond de charnier, d’épidémie, dans l’odeur de la poudre, de la gangrène, du typhus.
La Première Guerre mondiale en Serbie, c’est le général Misic, petit paysan devenu le stratège de son pays, qui lance son armée, défaite, affamée, pouilleuse et démoralisée, dans une offensive insensée contre l’Empire austro-hongrois et gagne son pari. C’est l’étudiant Bogdan Dragovic, militant communiste, tête brûlée des manifestations qui ne craint ni Dieu ni diable et qui, à sa première bataille, connaît la peur. C’est l’espoir fou d’un peuple exténué et déçu par ses Alliés : la France, l’Angleterre et la Russie. C’est la trahison ou l’indifférence de l’Europe occidentale à la survie et au sacrifice d’un petit peuple qui avait pourtant, dès cette époque, fait le choix de l’Europe et de sa civilisation. C’est la pénurie de médicaments, d’armes, de nourriture, le manque d’hôpitaux, de médecins, le marché noir. C’est enfin – ce qui prend une résonance particulière aujourd’hui -l’espoir, après la victoire et l’effondrement de l’Empire austro-hongrois, d’une union avec les Croates et les Slovènes, en vue de créer une Yougoslavie pacifique et prospère.
La plupart de ses personnages, Dobritsa Tchossitch les fera revivre par la suite, avec leurs enfants, dans Le Temps du Mal, la grande fresque des temps staliniens. Tchossitch, en véritable visionnaire, ne force pas l’histoire : les êtres et les faits sont là, et nous y croyons, car il nous semble les avoir connus depuis toujours.
Par son souffle et sa puissance, par sa grandeur classique, Le Temps de la Mort est étranger à toute la littérature contemporaine. Bien qu’achevé en 1975, il ne peut se comparer qu’aux chefs-d’œuvre du passé : Guerre et Paix ou Le Don paisible