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Traduit du serbe par Madeleine Stevanov
« Blam passe ses matinées assis à l’Intercontinental. Assis comme une bûche, comme un rocher, comme un objet oublié, fossile d’une époque historique révolue. C’est ce qu’il est effectivement, jeté là par le vent d’un climat disparu, le climat de l’Occupation, âpre, mauvais, mais adouci pour lui, juif converti marié à une chrétienne et de ce fait ayant échappé à l’extermination. »
Blam, c’est le survivant. Celui qui, après, est toujours là. Vacant, oisif, inutile, égaré : il est celui qui ne devrait plus être là. Son regard, sa conscience, sa mémoire aussi sont de trop. Sur ces décombres, il faut repartir à neuf. Les rues ont changé, les immeubles ont été remplacés par d’autres immeubles plus grands, plus carrés, anonymes. Personne n’a besoin qu’on se souvienne d’avant. Et, pourtant, il y a des choses qui ne sont pas claires. Par exemple, ses parents. Comment sont-ils morts ? Et l’argent de leur maison ? Qui l’a touché, où est-il ? Comment se fait-il que lui ne l’ait jamais eu et ne sache même pas s’il a été versé ? Faut-il chercher ? Faut-il se souvenir ? Peut-on ne pas se souvenir ? Et qu’est-ce que ça change ?
Aussi loin qu’il remonte, Blam rencontre son image d’homme pressé par le temps, les circonstances, les fatalités, les autres. Blam victime, passif, oublié, égaré. Un homme en creux sur l’espace duquel on marche. A la place duquel on vit. Témoin malgré lui de ce qui le dépasse. Complice sans le chercher de tous les malentendus qui forment la trame d’une vie incertaine.
Il y a Lili, bien sûr, qui le recherche, qui le veut encore, qui lui écrit à l’adresse d’avant. Mais ses lettres lui reviennent : inconnu. N’est-ce pas mieux ainsi, plus juste ? Blam existe-t-il ? Ailleurs que dans la mention inconnu, que dans la tête de Lili ? Y a-t-il un vrai Blam, lequel est-ce ? Celui d’avant ou celui d’après.