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Traduit du serbe par H. et F. Wybrands
Les animaux sont parmi nous. Depuis toujours ils nous font escorte. Avec le temps, certains d’entre eux nous sont même devenus familiers; du moins est-ce ce que nous nous imaginons.
Cependant, l’énigme demeure. Qui sont-ils ? Et qui sommes-nous ?
Tout un chacun est certes capable de distinguer le courroux du chat de l’enjouement du chien. Mais au-delà ? Lequel d’entre nous aura jamais pénétré, mais vraiment, dans le cœur du cheval ou dans l’intimité du cloporte ? Et doit-on s’étonner de ce que le Sphinx se tienne à mi-chemin entre l’homme et l’animal ? Et le Minotaure, au fond de l’éternel Labyrinthe …
Or, ne nous attendons pas, à l’instant d’embarquer sur L’Arche de Boba, aux réconciliations factices ou aux évocations ornementales de quelque bestiaire. Tout au contraire, les figures animales de ces nouvelles tissées d’inquiétante étrangeté ne semblent destinées qu’à illustrer plus âprement, par contraste, les difficultés qu’éprouvent les humains à se comprendre entre eux et à s’accommoder de leur sort.
C’est ainsi que, dans Le Chien, nous voyons un homme se venger d’un fiasco sentimental en s’acharnant d’une manière inattendue sur un pauvre animal. Ou bien, voici cette ménagère, dans Le Cafard, que les tâches quotidiennes et l’indifférence de son entourage oppressent tant qu’elle finit par se métamorphoser et se réfugier dans une fissure des parois de son propre appartement. Ou encore, ce sont les mystérieuses relations qu’entretiennent un petit garçon solitaire et un escargot, au désespoir de la mère de l’enfant, dans l’une des plus fascinantes de ces histoires.
Rarement on avait perçu avec tant d’acuité douloureuse les antinomies de l’innocence et de la dégradation, de la tendresse et de la cruauté. Dans un climat envoûtant, où ne cesse de retentir la basse continue de la difficulté d’être, Boba Blagojevic grave à la pointe sèche les scènes inoubliables de son théâtre d’émotions, entrelaçant indissolublement fantastique et quotidien.