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Traduit du serbe
Il existe des livres témoins, des livres libérateurs, des livres précurseurs. Bonne nuit, Fred en est un. Paru en 1967, il provoque d’emblée l’enthousiasme des critiques et des lecteurs. Il enhardit les écrivains et annonce ce qu’on a nommé par la suite « la nouvelle prose serbe ». C’est par une invention romanesque et dramatique et surtout par une incroyable utilisation du langage que l’écrivain en dit parfois bien davantage que ne le feraient de savantes dissections sociologiques. C’est que Dragoslav Mihaïlovic crée un monde à partir d’un langage parlé qui, par son ingénuité, brise les carcans des idées reçues, des discours politiques et de l’Histoire arrangée. La souffrance des humbles, des solitaires qui font les frais de cette Histoire sont l’envers du décor. Tous ces sacrifiés confient aux bouts de papier ou aux oreilles inconnues leur lutte inégale contre les puissances et les puissants qui les broient. Dragoslav Mihaïlovic écoute ces voix, compatit et capte les vibrations avec une infinie justesse et dresse le tableau d’une époque de l’espoir et du désarroi secouée par les traumatismes de la guerre et de la révolution. Chacun de ces récits est un monde en soi, tant la narration est diversifiée et le langage profond. Mais chacun touche le fond de l’humain, l’ultime rempart des humiliés et devient l’épopée des innommables. Comme si la victoire sur les idéologies abêtissantes et les discours des profiteurs dépendait de ces voix venant du souterrain, transmises par ces témoignages qu’on n’oublie pas.